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  Notre tradition : l’innovation. Notre métier : la compétition ». Telle est la devise que met en avant Saint-Gobain, en 1982, dans la campagne de communication qui doit préparer sa privatisation. De fait, pour survivre, le groupe a su sans cesse imaginer de nouveaux produits et investir dans la recherche. « C’est sans doute l’un des éléments essentiels expliquant sa longévité », estime Marie de Laubier, responsable des archives du groupe. Car Saint-Gobain, qui trouve son origine dans une manufacture royale créée en 1665, fête cette année ses 350 ans. Ce qui en fait l’une des plus anciennes entreprises de France.


Il y a trois siècles et demi, Louis XIV crée, sur une idée de Jean-Baptiste Colbert, une manufacture des glaces et miroirs, avec la volonté de mettre un frein aux importations de Venise, qui règne alors en maître sur ce marché en Europe. Le ministre des Finances du roi a fait venir des Vénitiens pour former les artisans français. Mais l’expérience est un échec. C’est en fusionnant avec une concurrente et en s’appropriant son nouveau procédé révolutionnaire de coulage du verre que la manufacture trouve son salut. Grâce, aussi, à l’appui de banquiers genevois qui vont instaurer de meilleures pratiques de gestion. Le nouveau procédé est expérimenté à l’abri des regards, dans un atelier installé dans le village de Saint-Gobain, dans l’Aisne. C’est de là que le futur groupe tirera son nom, qu’il adopte en 1830, en même temps que le statut de société anonyme.



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DIAPORAMA La saga Saint-Gobain en images






  Le groupe est également parti très tôt à la conquête de l’international. Durant la seconde moitié du XIXe siècle, il s’implante ainsi en Allemagne, puis en Italie, en Belgique et aux Pays-Bas. Il ne cessera ensuite son expansion. Mais c’est en particulier sous l’impulsion de Jean-Louis Beffa, encore lui, que Saint-Gobain se développe hors des frontières de l’Hexagone. A son arrivée, le groupe est présent dans 18 pays… vingt-et-un ans plus tard, il le sera dans 64.


Vingt-et-un ans : une durée de présidence exceptionnelle. Et comme Jean-Louis Beffa, de nombreux patrons de Saint-Gobain sont restés durablement aux commandes du groupe et ont pu inscrire leur action dans la durée. Encore un facteur de sa longévité. Ces hommes ont également le plus souvent effectué une grande partie de leur carrière dans le groupe. « Tout cela explique leur attachement très fort pour Saint-Gobain et leur volonté de transmettre plus encore que ce dont ils ont hérité », estime Marie de Laubier.



Saint-Gobain ou l’art

de l’adaptation

Mellerio

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DCNS

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  Plus tard, Saint-Gobain va à maintes reprises se réinventer. En 1872, il opère sa première diversification, en fusionnant avec la maison Perret-Olivier, producteur d’acide sulfurique. Un produit utilisé dans la fabrication de verrières auquel il faut trouver d’autres débouchés commerciaux, et qui conduit l’entreprise à se lancer dans la production d’engrais superphosphates destinés à l’agriculture. Après la Première Guerre mondiale, le groupe participe à l’effort de reconstruction et se lance dans la production de verre pour le bâtiment. Il fabrique aussi des pare-brise pour automobiles – une industrie alors en plein développement. Dès 1942, il invente un ancêtre du PVC.


  Avec les chocs pétroliers dans les années 1970, Saint-Gobain se diversifie dans l’informatique, les travaux publics, ou encore le traitement de l’eau. Et durant les années 1990, il se lance, avec le rachat de Poliet – qui détient notamment Point P et Lapeyre – dans des activités de distribution, qui représentent aujourd’hui près de la moitié de son chiffre d’affaires. « Ce fut un virage essentiel, qui s’inscrivait dans une stratégie de pérennité. Il n’allait pas de soi et les réactions des marchés ont été très hostiles, note Alain Bloch, professeur à HEC et auteur de livres sur les entreprises centenaires (*). Mais Jean-Louis Beffa [le PDG de 1986 à 2007, NDLR] a tenu bon. » Saint-Gobain mise aussi très vite sur la recherche. Dès 1952, il ouvre un centre de R&D à la Villette, à Paris. Et garde toujours un œil sur les innovations de ses concurrents.




  Saint-Gobain, qui a connu une passe difficile en 2008-2009 et mené coup sur coup deux plans de restructuration drastiques, redresse désormais peu à peu la barre. Aujourd’hui recentré sur les métiers de l’habitat, le groupe emploie 180.000 salariés dans 66 pays de par le monde. En 2014, il a enregistré un chiffre d’affaires de 41 milliards d’euros. Et table pour 2015 sur une amélioration de ses résultats. Une belle destinée pour une ancienne manufacture royale qui faillit s’éteindre au bout de quelques années d’existence… et a donné naissance à un groupe mondial et diversifié.


Elsa Dicharry                                                                                                                      Photos : Saint-Gobain



(*) Alain Bloch est notamment l’auteur, avec Isabelle Lamothe, d’un livre intitulé : « L’éternité en héritage : enquête sur les secrets de la résilience des organisations ».


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Le transport d’une grande glace à l’usine de Mannheim en 1878.





  A partir des années 1970, explique-t-elle, après le raid manqué de BSN sur Saint-Gobain, ces patrons « ont pris beaucoup de relief » : Roger Martin a eu la tâche délicate de prendre les rênes du groupe en 1970 suite à sa fusion avec Pont-à-Mousson ; Roger Fauroux, arrivé en 1980, a géré la période sensible de la nationalisation, en 1982, alors que la gauche venait d'arriver au pouvoir ; Jean-Louis Beffa n’a pas seulement mené la diversification et l’expansion du groupe à l’international, il a aussi assuré avec succès la privatisation de 1986. « Chez Saint-Gobain, on retrouve, comme chez de nombreuses entreprises centenaires, cette notion de leadership ancré dans l’histoire, avec des patrons qui ont une très forte légitimité interne », confirme Alain Bloch.


Par ailleurs, note Marie de Laubier, si Saint-Gobain n’a jamais été une entreprise familiale, « plusieurs familles ont présidé aux destinées de la manufacture, des familles genevoises au XVIIIe siècle, des familles issues de la bourgeoise ou de l’aristocratie françaises au XIXe siècle… Et pendant longtemps, Saint-Gobain a été marqué par une culture de la collégialité. » De cet héritage, l'entreprise a su « garder un certain esprit de famille », assure Pierre-André de Chalendar, dans un livre dédié aux 350 ans du groupe. L’actuel PDG, intronisé en 2010, souligne aussi l’attention particulière portée aux salariés du groupe.


Dans les années 1970, Saint-Gobain se diversifie, notamment dans l'informatique.

La campagne de communication de 1986 préparant la privatisation du groupe.

Le siège du groupe (photo : Saint-Gobain)

Image de synthèse reproduisant

la fabrication d'un verre

au XVIIIe siècle.

Saint-Gobain, né en 1665 sous forme de manufacture royale,

fête cette année ses 350 ans. Une longévité qui s'explique notamment

par de constantes innovations.

Kronembourg

« Saint-Gobain a su garder

un certain esprit

de famille »

« On retrouve dans

le groupe 

cette notion

de leadership ancré dans l'histoire »

« La diversification dans les activités de distribution

fut un virage essentiel »