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Dans les ateliers du joaillier.

Le magasin Mellerio rue de la Paix à Paris.

Collier de création récente.

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Mellerio, la constance

pour devisela constan

La maison de joaillerie est aux mains de la famille Mellerio

depuis quatorze générations. Elle continue de miser

sur son savoir-faire ancestral pour conquérir les clients.

  Vieux livres de comptes répertoriant les commandes de bijoux, livres d’ateliers indiquant les caractéristiques de chaque pièce, dessins d’époques variées… Au sous-sol du magasin Mellerio dits Meller, rue de la Paix, à Paris, des trésors d’archives sont encore conservés. Les témoignages de pans entiers de l’histoire de l’entreprise, qui se revendique comme le plus ancien joaillier d’Europe et dont l’origine remonte à 1613.

A l’époque, les Mellerio, des colporteurs venus de Craveggia, un petit village du nord de l’Italie, en même temps que deux autres familles, obtiennent de la reine Marie de Médicis des privilèges exceptionnels pour « porter du cristal taillé, quincaillerie et autre menue marchandise meslée entre la dite ville de Paris et ailleurs partout le royaume avec deffance à toute personne de les y troubler ». Les raisons de l’obtention de ces droits sont incertaines. Selon la légende familiale, un jeune membre du clan italien, qui ramonait une cheminée au Palais du Louvre, aurait surpris une conversation… et permis de déjouer un complot visant à assassiner le dauphin Louis XIII.  Une autre thèse veut que les Mellerio aient pu fournir des renseignements sur leur vallée d’origine, où les troupes françaises étaient amenées à passer. Et aient été récompensés pour « services rendus ».

Après Marie de Médicis, tous les rois et reines de France vont renouveler les privilèges des Mellerio. En 1716, ces derniers obtiennent aussi le droit de sertir des pierres précieuses – ils n’étaient jusqu’alors qu’orfèvres, travaillant uniquement le métal. C’est à partir de cette date qu’ils deviennent formellement joailliers. « Par la suite, chaque génération aura à cœur d’améliorer et de faire croître l’activité », explique une porte-parole de l’entreprise, toujours aujourd’hui, aux mains de la famille Mellerio.




  


  A la fin du XVIIIe siècle, l’un d’eux, Jean-Baptiste, parvient à s’imposer comme fournisseur de la reine Marie-Antoinette. Il est aussi le premier à ouvrir une boutique, rue de Vivienne, à Paris, en 1799. En 1816, un de ses neveux, Francis, s’installe rue de la Paix, près de la place Vendôme. Un quartier devenu depuis un haut lieu de la joaillerie parisienne, mais où il n’y avait alors aucun joaillier. « Il a senti que ça allait devenir un nouveau quartier de commerce, note Laurent Mellerio, à la tête du holding familial et président du conseil d’administration de Mellerio International. Les Mellerio ont à maintes occasions su être visionnaires. » Et c’est sans doute l’un des éléments clefs de leur longévité.

Mais ils ont aussi su rebondir en cas de crise. Comme en témoigne l’initiative de Jean-François Mellerio en 1848, connue grâce aux lettres qu’il écrivit à sa femme. Cette année-là, la révolution éclate en France et les carnets de commandes de la maison Mellerio restent désespérément vides. « Jean-François part avec son baluchon jusqu’en Espagne, raconte Laurent Mellerio. Et se rend quotidiennement à la cour dans l’espoir d’être reçu par la reine. » Il patiente durant des semaines, et finit par réussir à présenter sa collection à Isabelle II, qui devient une fidèle cliente. C’est aussi à cette époque qu’il rencontre Eugénie de Montijo, future épouse de Napoléon III qui, une fois impératrice, se rendra presque chaque semaine chez Mellerio à Paris. C’est alors l’âge d’or du joaillier, qui fournit princes et princesses à travers toute l’Europe.


 



  Le succès des Mellerio et l’exigence de leurs clients les poussent à innover. Sur le plan esthétique mais aussi technique. En 1854, ils inventent par exemple la tige flexible, qui leur permet de donner aux bijoux une illusion de souplesse et de naturel. En 1867, ils sont les premiers à utiliser le platine, un métal plus tendre et donc plus facile à travailler. « Il y a eu beaucoup de brevets déposés. Proposer des produits extraordinaires est l’un des piliers de la réussite de l’entreprise et de sa longévité », estime Laurent Mellerio.

Le joailler participe à toutes les Expositions universelles, obtenant de nombreux prix. Mais traverse aussi de nouvelles crises. Durant la guerre franco-prussienne de 1870, un seul membre de la famille reste à Paris aux côtés de ses commis, les autres partant trouver refuge en Italie. Il a caché ses pierres précieuses dans une valise qu’il a confiée à un ami… sans lui en révéler le contenu. A l’issue du siège de la capitale – dont il raconte le quotidien éprouvant dans ses lettres – il part récupérer ses biens. En découvrant le contenu de la mallette, son ami manque de tomber à la renverse...

Pendant les deux guerres mondiales, l’activité de la maison Mellerio tourne au ralenti, de nombreux hommes du clan étant mobilisés ; mais elle ne s’arrête pas pour autant. Il reste toujours des membres de la famille pour gérer les affaires. « Il y a eu des périodes très dures, résume Laurent Mellerio, mais c’est l’une des forces des entreprises familiales : l’intérêt de la maison passe toujours avant les intérêts particuliers. Et chacun est prêt à faire des sacrifices pour parvenir à passer le relais aux générations futures. » Les investissements de long terme sont aussi toujours privilégiés. « Y compris dans les salariés, note Laurent Mellerio, les relations avec le personnel ne sont pas les mêmes que dans les autres sociétés. »

Saint-Gobain

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  Outre sa première expérience espagnole, la maison Mellerio a aussi mis le cap, bien plus tard, vers le Japon, dans les années 1980. Mais son développement à l’international est resté prudent. Par frilosité ? Pour Alain Bloch*, professeur à HEC et spécialiste des organisations centenaires, les entreprises familiales qui durent, en dépit de toutes leurs qualités, ne savent pas toujours prendre suffisamment de risques. « La constellation de cousins se contente parfois de faire de la gestion de patrimoine et perd le ressort entrepreneurial », explique-t-il. « Pour se développer à l’international, il faut des moyens », note Laurent Mellerio. Mais il s’agit aussi d’un choix stratégique assumé. La maison n’a pas voulu grossir à tout prix – elle reste une PME employant une trentaine de salariés – ni s’internationaliser coûte que coûte – cherchant surtout à conserver son indépendance. Et son authenticité, en restant sur le créneau de la joaillerie traditionnelle. 

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  Nous voulons demeurer une entreprise à taille humaine. Nous ne sommes pas dans une course à l’échalote pour réaliser un maximum de chiffre d’affaires. En même temps, nous savons aller chercher les clients là où ils sont », poursuit Laurent Mellerio.

Conserver son savoir-faire artisanal a au final permis à la maison Mellerio de s’ouvrir les portes de nouveaux marchés. Récemment, elle s’est tournée vers le Moyen-Orient et Hong Kong, où les clients sont demandeurs de produits sur-mesure et qu’elle est la seule, assure-t-elle, à pouvoir leur offrir. Afin de s’ouvrir davantage à l’international, la PME a fait appel pour la première fois, en 2014, à un patron n’étant issu ni de la famille ni même de l’entreprise, Gilles Haumont, mais qui avait déjà aidé d’autres maisons de joaillerie à s’internationaliser. Un changement notable, signe, encore une fois, de la capacité d’adaptation de l’entreprise, qui a désormais dépassé les 400 ans.


Elsa Dicharry                                                                                                                                           Photos : Mellerio dits Meller



(*) Alain Bloch est notamment l’auteur, avec Sophie Mignon, d’un livre intitulé : « La Stratégie du propriétaire : enquête sur la résilience des entreprises familiales face à la crise ».

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Kronembourg

DCNS

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DIAPORAMA La saga Mellerio en images

Bracelet-camées de l'époque

de Marie-Antoinette.

Robe-chasuble Marie-Antoinette.

« Chaque génération

a eu à cœur d’améliorer et de faire croître l’activité »

« Il y a eu

des périodes très dures.

Mais chacun

est prêt à faire des sacrifices »

« Nous voulons demeurer une entreprise à taille humaine »